Son origine

   Le Chant des partisans ou Chant de la libération est l'hymne de la Résistance Française durant l’occupation par l’Allemagne nazie, pendant la Seconde Guerre Mondiale. La musique fut composée en 1941 par Anna Marly (1), d'origine russe réfugiée à Londres. Les paroles ont été écrites en 1943 par Joseph Kessel (2) et son neveu Maurice Druon (3) qui venaient tous deux de rejoindre les Forces Françaises Libres.

   La mélodie du Chant des Partisans est à l'origine inspirée d'une chanson datant des périodes de soulèvements bolcheviques en Russie et une idée de la chanteuse et compositrice Anna Marly. Cette chanson fut composée en 941 à Londres, la musique et les paroles originales de la chanson étant en russe, sa langue maternelle. Joseph Kessel et son neveu, ,Maurice Druon tous les deux acteurs français expatriés en Angleterre et futurs académiciens, traduisent les paroles, proposant la variante française de la chanson le 30 mai 1943.

   Devenu l’indicatif de l’émission de la radio britannique BBC (diffusé deux fois par jour, sans les paroles) Honneur et Patrie, puis signe de reconnaissance dans les maquis, Le Chant des partisans devient un succès mondial. On choisit alors de siffler ce chant, d'abord pour ne pas être repéré en la chantant mais aussi car la mélodie sifflée reste audible malgré le brouillage de la BBC effectué par les Allemands.

   C'est la sœur de Jean Sablon, Germaine Sablon, qui l'amène à sa forme finale et en fait un succès.

   Largué par la Royal Air Force sur la France occupée, et écouté clandestinement, ce succès dont les paroles furent publiées dans Les cahiers de la Libération du 24 septembre 1943, se répand immédiatement tant en France qu'ailleurs dans les milieux de la Résistance et des Force Française de l'Intérieur. Il se prolonge dans de nombreuses interprétations postérieures à la guerre, dont celle d'Yves Montand est une des plus célèbres.

   Créée par la même équipe, La Complainte de partisan connaît un succès populaire en France dans les années 1950 mais s’efface devant Le Chant des partisans, relancé par André Malraux lors de la cérémonie d’entrée des cendres de Jean Moulin au Panthéon de Paris le 19 décembre 1964.

   Le manuscrit original du Chant des partisans, propriété de l'État, est conservé au musée de la Légion d'honneur. Il est classé monument historique au titre objets par un arrêté du ministère de la Culture du 8 décembre 2006.

 

(1) - Anna Marly, de son vrai nom Anna Betoulinsky (en russe, Анна Юрьевна Бетулинская), est une chanteuse et guitariste française d'origine russe née le 30 octobre 1917 à Pétrograd et morte le 15 février 2006 à Palmer (Alaska).

   Elle est née durant la Révolution russe au cours de laquelle son père fut fusillé, Anna Betoulinsky quitte la Russie pour la France au début des années 1920 avec sa mère, sa sœur et sa gouvernante. À l'âge de treize ans, cette dernière lui offre une guitare dont elle ne se séparera jamais et qui va bouleverser sa vie.

   Quelques années plus tard, elle prend le nom d'Anna Marly (patronyme trouvé dans l'annuaire) pour danser dans les Ballets russes avant d'entamer une carrière de chanteuse dans les grands cabarets parisiens. Anna Marly connaît un nouvel exode en mai 1940 qui la mène, via l'Espagne et le Portugal, à Londres en 1941 où elle s'engage comme cantinière au quartier général des Forces Françaises Libres de Carlton Garden.

    C'est là qu'elle compose en 1942 à la guitare la musique et les paroles (en russe) du Chant des Partisans, qui est créé l'année suivante, toujours à Londres, sur des paroles françaises de Joseph Kessel et Maurice Druon. Surnommé « la Marseillaise de la Résistance », il devient immédiatement l'hymne de la Résistance française, et même européenne, à la fois appel à la lutte pour la liberté (« C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères ») et certitude que le combat n'est pas vain (« Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place »). Devenu l'indicatif de l'émission de la radio britannique BBC Honneur et Patrie, puis signe de reconnaissance dans les maquis, le succès est mondial. L'idée de la mélodie sifflée est due au fait que, contrairement aux paroles, le sifflement restait audible malgré les tentatives de brouillage de la BBC par les Allemands.

   Anna Marly compose près de 300 autres chansons dont La Complainte du partisan, sur un texte d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie reprise par Joan Baez et Léonard Cohen (The Partisan) et Une chanson à trois temps pour Edith Piaf.

   Après la guerre, elle quitte la France pour l'Amérique du Sud et sillonne l'Afrique avant de s'installer aux Etats-Unis.

   Décorée de l'Ordre Nationale du Mérite en 1965, elle est nommée chevalier de la Légion d'honneur, par le président François Mitterrand en 1985 à l'occasion du quarantième anniversaire de la Victoire, en reconnaissance de l'importance du Chant des partisans.

   Le 17 juin 2000, elle interprète Le Chant des partisans au Panthéon avec le Chœur de l'armée française, à la veille du 60e anniversaire de l’Appel du 18 juin du général de Gaulle.

   Elle meurt le 15 février 2006 à Palmer en Alaska, où elle résidait. Un petit square porte son nom à Meudon, dont elle est également citoyenne d'honneur, ainsi qu'une rue et un collège à Brest et un jardin dans le 14e arrondissement de Paris (proche de la Porte de Vanves et anciennement appelé le jardin des trois communes, il est ouvert depuis le 30 mars 2013). Il a été inauguré le jeudi 25 avril 2013.

 

(2) - Joseph Kessel est un aventurier, journaliste, grand reporter et romancier français, né le 10 février 19898 à Villa Clara (en) (Entre Rio, Argentine) et mort le 23 juillet 1979 à Avernes (Val-d'Oise).

   Joseph Kessel est le fils de Samuel Kessel, médecin juif d’origine lituanienne (à l'époque en Russie impériale) qui après avoir passé son doctorat à Monpellier s'embarqua pour l'Argentine avec son épouse. C'est dans ce pays que Joseph Kessel voit le jour avant de partir de l’autre côté de la planète, à Orenbourg, dans l’Oural, berceau de sa mère (née Raïssa Lesk), où ses parents résidèrent de 1905 à 1908, avant de revenir s’installer en France pour des raisons d'argent.

   Il fit ses études secondaires au lycée Félix-Faure (aujourd'hui lycée Masséna), à Nice, ensuite au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Infirmier brancardier durant quelques mois en 1914, il obtint en 1915 sa licence de lettres et se trouva engagé, à dix-sept ans, au Journal des débats, dans le service de politique étrangère.

   Tenté un temps par le théâtre, reçu en 1916 avec son jeune frère, Lazare (1899-1920) dit Lola, et père de Maurice Druon, au Conservatoire, il fit quelques apparitions comme acteur sur la scène de l’Odéon. Mais à la fin de cette même année, Joseph Kessel choisissait de prendre part aux combats, et s’enrôlait comme engagé volontaire, d’abord dans l’artillerie, puis dans l’aviation, où il allait servir au sein de l’escadrille S.39. De cet épisode, il tirerait plus tard le sujet de son premier grand succès, L’Équipage. Il termina la guerre par une mission en Sibérie en passant par les Etats-Unis, puis Vladivostok.

   Avec Georges Suarez et Horace de Carbuccia, il fonda en 1928, à Paris, un hebdomadaire politique et littéraire, le Gringoire. Romain Gary, qui deviendra plus tard son ami, y publia même deux nouvelles à ses débuts, L'Orage (le 15 février 1935), puis Une petite femme (le 24 mai 1935), sous son véritable nom, Roman Kacew. Joseph Kessel fut également membre du jury du prix Gringoire, fondé par l'hebdomadaire, parmi d'autres écrivains de l'époque et sous la présidence de Marcel Prévost. Lorsque le journal, « fortement orienté à droite, puis à l'extrême-droite », afficha des idées facistes et antisémites, Gary renonça à envoyer ses écrits.

   Kessel appartenait à la grande équipe qu’avait réunie Pierre Lazareff à Paris-Soir, et qui fit l’âge d’or des grands reporters. Correspondant de guerre pendant la guerre d'Espagne, puis durant la drôle de guerre, il rejoignit après la défaite la Résistance au sein du réseau Carte, avec son neveu Maurice Druon. C’est également avec celui-ci qu’il franchit clandestinement les Pyrénées pour gagner Londres et s’engager dans les Forces aériennes françaises libres du général de Gaulle.

   En mai 1943, dans l'enceinte du pub de Coulsdon The White Swan dans la banlieue sud de Londres, l'oncle Kessel et son neveu Druon composent les paroles françaises du « Chant des Partisans » qui deviendra le chant de ralliement de la Résistance, et Kessel publie, en hommage à ces combattants, L’Armée des Ombres. Il finit la guerre, capitaine d’aviation, dans une escadrille qui, la nuit, survole la France pour maintenir les liaisons avec la Résistance et lui donner des consignes.

   À la Libération, il reprend son activité de grand reporter. Il est l'un des journalistes qui assistent au procès de Nuremberg, pour le compte de France-Soir, et voyage en Palestine. Il reçoit le premier visa du tout nouvel État d'Israël quand il se pose à Haïfa, le 15 mai 1948.

   Il continue ses voyages, ces fois-ci, en Afrique, en Birmanie, en Afghanistan. C’est ce dernier pays qui lui inspire son chef-d’œuvre romanesque, Les Cavaliers (1967).

   Entre-temps, il avait publié Les Amants du Tage, La Vallée des Rubis, Le Lion, Tous n’étaient pas des anges, et il ferait revivre, sous le titre Témoin parmi les hommes, les heures marquantes de son existence de journaliste.

   En 1950 paraît Le Tour du Malheur, livre comportant quatre volumes. Cette fresque épique, que l'auteur mit 20 ans à mûrir (cf. avant propos), contient de nombreux éléments de sa vie personnelle et occupe une place à part au sein de son œuvre. Elle dépeint les tourments d'une époque (la Grande Guerre puis l'entre-deux-guerres), des personnages sans commune mesure dans leurs excès et une analyse profonde des relations humaines.

   Consécration ultime pour ce fils d’émigrés juifs, l’Académie française lui ouvre ses portes. Joseph Kessel y est élu le 22 novembre 1962, au fauteuil du duc de La Force, par 14 voix contre 10 à Marcel Brion, au premier tour de scrutin. Il tient à faire orner son épée d'académicien d'une étoile de David.

   « Pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant un millénaire dans les annales de la France, dont les ancêtres grands soldats, grands seigneurs, grands dignitaires, amis des princes et des rois, ont fait partie de son histoire d’une manière éclatante, pour le remplacer, qui avez-vous désigné ? Un Russe de naissance, et juif de surcroît. Un juif d’Europe orientale… vous avez marqué, par le contraste singulier de cette succession, que les origines d’un être humain n’ont rien à faire avec le jugement que l’on doit porter sur lui. De la sorte, messieurs, vous avez donné un nouvel et puissant appui à la foi obstinée et si belle de tous ceux qui, partout, tiennent leurs regards fixés sur les lumières de la France. »

   Citons encore ce bel hommage rendu à Joseph Kessel par François Mauriac, dans son Bloc-notes : « Il est de ces êtres à qui tout excès aura été permis, et d’abord dans la témérité du soldat et du résistant, et qui aura gagné l’univers sans avoir perdu son âme. »

   Il meurt d'une rupture d'anévrisme le 23 juillet 1979, à l'âge de 81 ans.

 

(3) - Maurice Druon, né le 23 avril 1918 dans le treizième arrondissement de Paris et mort le 14 avril 2009, est un écrivain et homme politique français.

   Maurice Druon s'engage dans la Résistance et rejoint Londres en janvier 1943. Attaché au programme « Honneur et Patrie » de la BBC, il écrit alors avec son oncle Jospeh Kessel les paroles du Chant des Partisans que met en musique Anna Marly.

   Après la guerre il devient un homme de lettres à succès avec Les Grandes Familles (Prix Goncourt 1948) et surtout la saga des Rois maudits, roman historique en sept tomes publiés entre 1955 et 1977 et que l'adaptation télévisée fera connaître à un très large public. Il est élu à l'Académie française en 1966 à 48 ans et en devient le secrétaire perpétuel de 1985 à 1999. Il a écrit d'autres romans - comme Tistou les pouces verts, 1957, roman pour la jeunesse - mais aussi des pièces de théâtre et des essais.

   Gaulliste et engagé dans l'action politique, Maurice Druon a été ministre des Affaires culturelles entre 1973 et 1974.

   Maurice Druon est baigné par son ascendance dans la littérature : il est le neveu de l'écrivain Jospeh Kessel, l'arrière-petit-fils d'Antoine Cros, troisième et dernier roi d'Araucanie, l'arrière-petit neveu du poète Charles Cros, et l'arrière-arrière-petit-fils d'Odorico Mendes, homme de lettres brésilien, protecteur du 17e fauteuil de l'Académie brésilienne des lettres. Son père est Lazare Kessel (1899-1920, suicidé), qui est né à Orenbourg en Russie et a immigré à Nice en 1908 en compagnie de ses parents juifs d'origine lituanienne et de son frère aîné, le futur écrivain Joseph Kessel, oncle de Maurice Druon. Lauréat du premier prix du Conservatoire, Lazare Kessel est pensionnaire de la Comédie-Française. Mais il se suicide par balle le 27 août 1920 à l'âge de 21 ans avant d'avoir reconnu son enfant, le futur Maurice Druon, lequel prendra à sept ans le nom de son père adoptif, René Druon (1874-1961), notaire dans le Nord, que sa mère, Léonilla Samuel (1893-1991), avait épousé en 1926.

   Il passe son enfance à La Croix-Saint-Leufroy, en Normandie, où il fait la connaissance de Pierre Thureau-Dangin, fils du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Paul Thureau-Dangin. Il poursuit ses études secondaires au lycée Michelet de Vanves. Lauréat du Concours général en 1936, il commence à publier, à l’âge de dix-huit ans, dans les revues et journaux littéraires tout en étant élève à la Faculté des lettres de Paris puis à l'Ecole libre des sciences politiques (1937-1939). Avec son oncle Joseph Kessel, il côtoie les grands noms de l'aventure Aéropostale (Mermoz, Saint-Exupéry, Guillaumet), rencontre des artistes de l'Europe de l'Est et fréquente les cabarets russes.

   En septembre 1939, appelé par les obligations militaires, il publie dans Paris-Soir de Pierre Lazareff, un article intitulé « J'ai vingt ans et je pars ». Élève officier de cavalerie à l’Ecole de Saumur en 1940 participe lors de la Campagne de France aux combats des cadets de Saumur sur la Loire. Démobilisé, il reste en zone libre, et fait représenter sa première pièce, Mégarée, au Grand Théâtre de Monte-Carlo le 3 février 1942. Il s'engage dans la Résistance. Avec son oncle Joseph Kessel, il quitte la France à Noël 1942ur rejoindre les rangs des Forces Françaises Libres du général de Gaulle, traversant les Pyrénées puis l’Espagne et le Portugal avant qu'un hydravion les emmène en janvier 1943 à Londres.

   Il devient l'aide de camp du général François d'Astier de La Vigerie, puis attaché au programme « Honneur et Patrie » de la BBC auprès d'André Gillois, avant de partir en mission à Alger pour le Commissariat à l’intérieur et à l’information et devient correspondant de guerre auprès des armées françaises en 1944 jusqu’à la fin des hostilités. Il écrit alors avec Kessel en mai 1943 le Chant des Partisans qui, sur une musique composée par Anna Marly, devient l'hymne aux mouvements de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale.

   À la Libération, il se consacre à la littérature et publie ses souvenirs de guerre dans la Dernière Brigade en 1946. Avec son roman Les Grandes Familles en 1948, premier de la trilogie « La Fin des hommes » (avec « La Chute des corps » et « Rendez-vous aux enfers »), il reçoit le Prix Goncourt qui lui donne une place dans le Paris littéraire. En 1953, sa pièce en un acte, Un Voyageur, entre au répertoire de la Comédie-Française avec une mise en scène de Jean Piat, et il publie avec Joseph Kessel, la pièce Le Coup de grâce. Puis il accède définitivement à la célébrité avec le succès de sa saga historique littéraire, Les Rois maudits publiée à partir de 1955, et adaptée en 1973 à la télévision. Maurice Druon n'a jamais caché que sa série « Les Rois maudits » avait été le résultat d'un travail d'atelier. Au nombre des collaborateurs qu'il remercie dans sa préface, on relève les noms de Gilbert Sigaux, Mathieu Galey,Pierre de Lacretelle, José-André Lacour et Edmonde Charles-Roux parmi quelques nègres de moindre envergure. Avec ces deux sagas, ainsi que les romans mythologiques Alexandre le Grand et les Mémoires de Zeus, il semble se spécialiser dans le roman historique, réputé « écrivain pessimiste », tout en s'aventurant dans la littérature jeunesse avec Tistou les Pouces verts et en écrivant des nouvelles.

   Après divers prix prestigieux, dont le prix Pierre de Monaco qui récompense l'ensemble de son œuvre à 48 ans en 1966, il est élu, le 8 décembre de cette même année, au 30 ième fauteuil de l’Académie française, succédant à Georges Duhamel. Il participe entre 1969 et 1970 à la Commission de réforme de l'ORTF.

   Le résistant gaulliste reste engagé politiquement durant toutes ces années. Peu à peu, le romancier laisse à l'écrivain engagé et au polémiste, publiant tour à tour l'Avenir en désarroi où il analyse les mouvements de Mai 68, Une église qui se trompe de siècle dans lequel il critique l'évolution de l'Église catholique, ou une édition augmentée de ses Lettres d’un Européen, publiées initialement durant la guerre, et dans lesquelles il prend parti pour une Europe des Nations avec monnaie unique et suppression des frontières. Ne refusant pas l'étiquette de conservateur, il écrit « Dussé-je souffrir encore quelques vices dans ma société libérale, je ne suis pas monté de l'amibe à l'homme pour retomber à la société d'insectes. Je refuse de devenir le complet assisté, donc le complet esclave d'une société égalitaire, dont rien ne m'assure d'ailleurs qu'elle serait moins vicieuse ou viciée que la mienne, puisque ce seraient tout de même des hommes, quelques hommes, qui la commanderaient. ».

   Maurice Druon est nommé le 5 avril 1973, ministre des Affaires culturelles par Georges Pompidou. La nomination de cette figure historique du gaullisme, seul membre du gouvernement à ne pas être élu, homme de lettres popularisé par ses succès littéraires et l'adaptation télévisuelle des Rois Maudits, résistant ne cachant pas son goût pour l'ordre, doit permettre de calmer une majorité échaudée par le projet du Centre Beaubourg.

   Qualifié de « Malraux de Pompidou » par Paul Morand et de « Malraux du pauvre » par L'Humanité au moment de sa nomination, en référence à l'écrivain premier titulaire du ministère des Affaires culturelles, il s'appuie sur son succès littéraire et télévisuel pour assoir sa légitimité politique, affirmant à Jean Mauriac : « Et puis, au fond, mes lecteurs ne sont-ils pas mes électeurs ? ». « Logique qui donne l'Elysée à Guy Lux et Matignon à Zitrone » lui répond Maurice Clavel. Par ces premières déclarations abruptes, il se fait « chantre national » selon le mot de Pompidou—il inaugure son ministère en jugeant que Picasso « doit beaucoup à la France »— et incarne une culture conservatrice comme « intellectuel à contre courant » selon le Monde, s'étonnant que l'on puisse représenter Les Paravents de Jean Genet, dans un théâtre public, car « il appartient à l'Etat de faire respecter la liberté d'opinion mais non de financer les adversaires de l'Etat ». Ainsi, quand il menace les directeurs de théâtre subversifs de leur couper les subventions en proclamant que « les gens qui viennent à la porte de ce ministère avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov devront choisir », il fait craindre à l'aspiration d'un art officiel et provoque la polémique : après la parution dans le Monde de la réponse de Roger Planchon puis de celle de Jean-Louis Barrault qui dénonce « le clairon de la répression culturelle », une procession funèbre silencieuse symbolisant la mort de la liberté d'expression rassemble le 13 mai 1973, à l'initiative de plusieurs metteurs en scène, dont Ariane Mnouchkine, Jean-Pierre Vincent, Jean Jourdheuil et Bernard Sobel, avec le soutien de la gauche, plusieurs milliers de manifestants.

   Cependant, malgré l'apparente rupture avec l'ouverture et la modernisation voulue par Jacques Duhamel, Maurice Druon inscrit ses actions dans la continuité de son prédécesseur, conservant à leur poste les principaux directeurs du ministère, et reconduisant Jacques Rigaud comme directeur de cabinet, jusqu'au départ de ce dernier et son remplacement par Dominique Le Vert. Ses relations au sein du ministère sont parfois délicates, ses différends avec Pierre Emmanuel provoquant la démission entière du Conseil du développement culturel, créé en décembre 1971 à la suite de la commission culturelle du VIe plan. Et, si la censure au cinéma persiste, à travers l'interdiction d'Histoires d'A de Charles Belmont et Marielle Issartel, qui présente un avortement par aspiration en direct, et le refus de distribution de La Bonzesse de François Jouffa, racontant l'histoire d'une femme qui se prostitue pour payer un voyage à Katmandou, les coupes et interdictions sont restées limitées sous ce ministère selon Emmanuel Wallon.

   Sous son ministère, doté d'un budget d'environ 0,5 % du budget de l'État, pas encore grevé par les travaux de Beaubourg, est créée l'Association française pour les célébrations nationales, tandis que la Caisse nationale des Lettres du ministère de l'Éducation nationale est transférée, sous le nom de Centre national des Lettres, à celui des Affaires culturelles, avec des attributions élargies à l'aide aux auteurs et à la littérature francophone non française. De nouveaux Centres d'action culturelle (CAC) sont homologués à Annecy, Douai, Fort-de-France, Montbéliard et Paris (Carré Thorigny), les orchestres nationaux se mettent en place à Toulouse, Bordeaux et Alfortville, les budgets des théâtres nationaux sont augmentés et la Comédie-Française rénovée.

   Il n'est pas reconduit dans le troisième gouvernement de Pierre Messmer en mars 1974. Il entre au comité central de la nouvelle formation gaulliste, le Rassemblement pour la République, et siège à son conseil politique en 1979 et 1980. Vingt ans plus tard, il critique dans une tribune du Figaro le parti de Jacques Chirac auquel il dénie la filiation à Charles de Gaulle et qu'il juge n'avoir été conçu que comme « un ascenseur destiné à hisser un présidentiable ». Il est élu député RPR de Paris de mars 1978 à mai 1981. Il occupera divers postes diplomatiques ou politiques comme membre du Conseil franco-britannique ou représentant aux Assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe et de l'Union de l'Europe occidentale, démissionnant de ses fonctions après mai 1981.

   Secrétaire perpétuel à partir du 7 novembre 1985 en remplacement de Jean Mistler, il limite l’évolution de l’Institut, critiquant l’élection de la première académicienne, Marguerite Yourcenar, en craignant que « d’ici peu vous aurez quarante bonnes femmes qui tricoteront pendant les séances du dictionnaire ». Il ouvre la Coupole aux auteurs francophones et contribue à y faire entrer des grands noms tels Fernand Braudel, Georges Duby, Claude Lévi-Strauss.

   Déclarant dans son discours de réception à l’Académie en 1967 que « la civilisation est d’abord un langage », il intervient régulièrement sur l’évolution, qu’il souhaite très lente, de la langue française face à la société, particulièrement hostile sur la féminisation des noms de métiers. En 1990, à l’occasion des réflexions sur la nouvelle orthographe demandée par Michel Rocard, il prend parti pour des rectifications limitées, et surtout non restrictives, pour que ce soit l’usage qui ratifie les évolutions de la langue. Il publie Lettre aux Français sur leur langue et leur âme en 1994 et Le Bon Français en 1999. Plus tard, en 2006, sa critique du français « pittoresque » des Québécois, comparée à la langue « très sûre, très pure, très exacte » cadrée en France au XVIIe siècle lui a valu plusieurs critiques au Québec. Il joue un rôle important lors de la création du programme franco-britannique des Bourses Entente Cordiale, comme il y fait référence dans son discours prononcé à l’occasion de sa nomination comme Chevalier commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique.

   Il abandonne le secrétariat perpétuel en octobre 1999, au profit d’Hélène Carrère d'Encausse, afin de pouvoir lancer librement l’essai polémique, La France aux ordres d’un cadavre (ce cadavre étant le communisme), puis Ordonnances pour un État malade. Devenu au 1er janvier suivant, secrétaire perpétuel honoraire, il conserve sa position de « gardien du Temple », et s’oppose virulemment à l’entrée sous la Coupole du Quai Conti de l’ancien président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, en 2003.

   Il continue à prendre la parole sur la politique française, prenant parti pour Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, fustigeant le candidat François Bayrou, prenant parti en faveur de la lecture de la lettre de Guy Môquet dans les écoles, ou encore comme témoin de moralité lors du procès de Paurice Papon en 1998, considérant que le procès avait été fait en 1945 et qu’il ne faut pas « juger avec nos yeux instruits d’aujourd’hui mais avec nos yeux aveugles d’hier ». Il collabore également comme chroniqueur irrégulier au Figaro, rassemblant ses écrits en plusieurs ouvrages dont Le Bon français (1996-1999) et Le Franc-parler (2001-2002). 

   À la mort d’Henri Troyat, en 2007, l’ancien benjamin des « Immortels » devient le doyen d’élection.

   Amoureux des vieilles pierres, il découvre en 1965 et restaure après l’avoir racheté le site gallo-romain de Thésée avant d’en faire don au département en 1976, il milite pour la reconstruction du Palais des Tuileries, et s'installe dans les années 1970 dans les ruines de l'abbaye de Faize (XIIe siècle), sise aux Artigues-de-Lussac, où il choisit d'être inhumé.

   Le service religieux de ses obsèques a été célébré le 20 avril 2009 dans la cathédrale Saint-Louis des Invalides par Mgr Claude Dagens, de l'Académie française, en présence du président de la République française, Nicolas Sarkozy, de plusieurs hommes d'État et de personnalités. Les honneurs militaires ont été rendus dans la cour de l'hôtel des Invalides par le chef de l'État, au son du Chant des Partisans, dont Maurice Druon était le co-auteur.

   Grâce aux Rois maudits qui furent traduits en de nombreuses langues et à la série télévisée vendue à des chaînes étrangères, Maurice Druon acquiert une notoriété internationale importante. Il a été membre de plusieurs académies, comme celles d’Athènes, du royaume du Maroc et l’Académie roumaine.

   En 2002, il reçoit chez lui Vladimir Poutine à l’abbaye de la Faize (dont un oncle de Montesquieu avait été abbé commendataire) dans le Libournais. Ce dernier déclare à sa mort qu’il « salue la mémoire d’un ami fidèle de la Russie. Le président Dimitri Medvedev quant à lui a regretté la disparition « d’un éminent acteur de la culture mondiale. ».

Source : Wikipédia 2013