C’est le 27 mai 1943 au 48 rue du Four à Paris - une plaque en rappelle le souvenir - qu’était constitué, autour de Jean Moulin, le Conseil National de la Résistance dénommé plus communément CNR: tous les mouvements de la Résistance ainsi que les partis politiques et syndicats qui n’avaient pas collaboré ou failli devant l’occupant nazi et le régime de Vichy étaient représentés.
Comment en était-on arrivé à une France soumise, comme une grande partie de l’Europe, à la barbarie perpétrée par l’occupant et ses auxiliaires de Vichy ? Pourquoi tant de femmes et d’hommes, la grande majorité anonymes, durent-ils donner leur vie pour que nous soyons aujourd’hui libres ?
A la déclaration de guerre de septembre 1939, l’Italie depuis 1922, l’Allemagne depuis 1933, l’Espagne depuis mars 1939 sont gouvernés par des dictatures : les libertés démocratiques sont supprimées ; on pourchasse, on emprisonne, on assassine. En France, la collaboration commence dès 1930 et les milieux tant patronaux que financiers, soutenus par des politiques opportunistes ou convaincus et de nombreuses entités morales, voient dans ces pays dictatoriaux une forme de pouvoir répondant à leurs objectifs : remettre en cause la République et ses principes de même qu’étouffer le monde ouvrier.
En 1940, l’Etat français de Pétain, né d’un coup d’ état, officialise cette collaboration avec les nazis. La France est livrée à elle-même et morcelée en plusieurs zones dont une seule, en apparence seulement, demeure sous autorité française.
C’est alors que des femmes et des hommes, Français, Immigrés, Etrangers, refusant la défaite et l’asservissement vont se lever et constituer peu à peu des mouvements patriotiques et populaires, des réseaux de renseignements, créant des journaux clandestins, menant des actions de sabotage et prenant les armes : un combat pour la liberté mais au prix de quels sacrifices, de quelles souffrances tant sur le sol français que dans tous les pays sous le joug nazi ! Rappelons que, dans notre département, la Résistance se fera dans l’unité des mouvements sous la conduite du comité départemental de la Libération et notamment son président Robert Monestier, fédérateur né : une Résistance au rôle fondamental et à la source de la libération de nos villes et villages.
L’Insurrection nationale et populaire était donc en marche et la Résistance une réalité incontournable. Et c’est ainsi que le 27 mai 1943, toutes les composantes de la Résistance Intérieure vont s’unir au sein du Conseil National de la Résistance présidé par Jean Moulin, sous l’autorité du Général de Gaulle. Après le 6 juin 1944, les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) issues de la Résistance et les Forces Françaises Libres seront au rendez-vous de l’histoire.
Dans la lettre qu’il fait lire par Jean Moulin, ce 27 mai 1943 lors de la réunion constitutive du CNR, le Général de Gaulle écrit : « La création du Conseil National de la Résistance est un acte essentiel pour la France. » Essentiel il l’était à double titre :
L’union de toutes les forces, celles de l’intérieur et de l’extérieur, poursuivant le combat commun pour la libération de la France et la rénovation du pays se réalisait.
La légitimité du Général de Gaulle auprès des Alliés qui la contestait était reconnue grâce à l’appui déterminant de la Résistance Intérieure ; celui-ci précisant dans ses Mémoires « qu’avant le 27 mai, il y avait des résistances, après le 27 mai il y eut la Résistance. »
Rénover le pays avons-nous dit : oui, dès le départ la plupart des Résistants ont exprimé avec force l’idée que la France, une fois libérée, devait être profondément transformée. Dans la presse clandestine, on trouve cette interrogation permanente : « On veut bien se battre, on veut bien mourir, mais on veut savoir pourquoi. Pas question de laisser
revenir les hommes et les forces qui ont conduit la France au désastre et à l’humiliation. »
C’est seulement par la création du Conseil National de la Résistance et son importante activité que cette forte exigence de changement deviendra une réalité concrète et prendra une dimension nationale. Exigence qui se concrétisera par la parution le 15 mars 1944 du programme du Conseil National de la Résistance.
Le pluralisme de la Résistance rend, certes difficile l’accord sur un programme commun à toutes les parties en cause. L’attitude des principales forces politiques et sociales conduit cependant les Résistants à des réflexions communes. Face aux occupants nazis mais aussi face à l’Etat français collaborationniste, le combat pour la République et l’antifascisme donnent une dimension essentielle à la lutte nationale. Le déroulement concret des luttes résistantes éclaire les problèmes sociaux prééminents : c’est dans le peuple, en premier lieu dans la classe ouvrière, la seule écrivait François Mauriac « à être restée fidèle à la France profanée » que réside la force vive de la Résistance. Le général de Gaulle, devant le message fort que lui adressait la Résistance à travers l’expression du CNR, dut se positionner sur les mêmes exigences et, dès novembre 1943 à la séance inaugurale de l’Assemblée consultative provisoire, il affirma que « les hommes et les femmes qui, en dedans ou en dehors de chez nous, imagineraient que la France, une fois libérée, retrouverait la même figure politique, morale et sociale qu’ils ont connue naguère, commettraient une erreur complète »
Le programme du Conseil National de la Résistance, dont on efface le contenu année après année, doit rester le socle social de la République pour laquelle tant de femmes et d’hommes sont tombées. De même, le message universel de la Résistance car identique pour tous les Résistants frères des autres pays, message à la fois humaniste, démocratique et patriotique - celui-ci dans le sens des valeurs républicaines de liberté, égalité et fraternité - demeure d’une profonde et nécessaire actualité dans notre monde en crise où le populisme ambiant fait le lit de la xénophobie et de l’extrême -droite : tout l’héritage de la Résistance doit être scrupuleusement respecté et non récupéré, manipulé ou tronqué.
Autant de motifs évidents pour honorer sur le plan national chaque année le 27 mai.
Aussi c’est pour assurer la pérennité de l’histoire et de la mémoire du Conseil National de la Résistance, symbole étonnamment vivant d’unité populaire et de justice sociale, que l’ANACR, avec les 43 associations de mémoire rassemblées au sein de l’UFAC - Union française des Anciens Combattants et Victimes de guerre - demande l’inscription dans le calendrier de la République d’une Journée Nationale de la Résistance non-chômée, mais au temps fort de la mémoire dans les établissements scolaires et auprès de la population : journée nationale en souvenir de celles et ceux qui, sacrifiant leur vie très souvent, ont permis à la France de retrouver sa liberté et d’y restaurer la démocratie ainsi que le firent tant d’autres hors de nos frontières. Serait-il possible de les oublier, de faire l’impasse sur un moment déterminant de la mémoire collective de notre pays ?
Aujourd’hui, dans l’Indre, ce sont 201 municipalités qui ont délibéré favorablement en ce sens et de multiples cartes de pétition-individuelles signées par des élus de toutes sensibilités sont parvenues à la présidence de la République.
Aujourd’hui, partout en France est commémoré le 27 mai ; dans notre département, cette commémoration est célébrée dans de nombreux lieux différents où se rassemblent autour de l’ANACR les élus locaux, les membres des autres associations de mémoire, la jeunesse scolaire et la population.
La Journée Nationale de la Résistance formerait avec la journée Nationale de la Déportation et la journée commémorative du 18 juin - toutes les deux déjà reconnues - un ensemble mémoriel dédié à celles et ceux à qui nous devons d’être là en ce jour : au nom de quoi pourrait-on leur refuser cet éternel hommage ?